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BEURRE DE KARITÉ : Une filière revalorisée en Côte d'Ivoire par Lydie KAMBOU, leader de femmes.

  • Photo du rédacteur: Lys Makima
    Lys Makima
  • 21 janv.
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 1 avr.

Nous connaissons tous le beurre de karité, ce fameux "shea butter" aux milles vertus pour la peau et les cheveux. La Côte d'Ivoire fait partie des plus grands producteurs de beurre de karité, avec le Nigeria, le Burkina Faso, le Mali, le Bénin et le Togo. Réalisée en grande majorité de façon artisanale par les femmes, la méthode de transformation des amandes de karité en beurre a beaucoup été médiatisée ces dernières années, notamment grâce aux réseaux sociaux. Le beurre de karité, considéré comme "l'or des femmes", tant il est précieux, joue un rôle important dans l'autonomisation de ces dernières. "L'or des femmes" oui, mais au prix de plusieurs journées de dur labeur... Depuis plusieurs années, Lydie Rachel KAMBOU mène un combat acharné pour parvenir à une industrialisation complète et efficace de la filière karité en Côte d'Ivoire. Elle a accepté de nous raconter son histoire et celle des 20.000 femmes qui ont fait d'elle aujourd'hui, une leader bien affirmée.





C'est en classe de 5ème que Lydie apprend le décès de son père. Ses rêves de devenir avocate sont avortés. Élève brillante, ses enseignants de l'époque décident de financer sa scolarité pendant deux ans. Lydie a grandi dans la région du Bounkani, plus précisément dans la ville de Bouna. La région du Bounkani fait partie des 5 régions de la Côte d'Ivoire, à fort potentiel de production d'amandes de karité de qualité. C'est une région aux frontières du Ghana et du Burkina Faso. Durant ses années collège, Lydie Kambou observait déjà le travail de ses grands-mères dans la réalisation artisanale du beurre de Karité. "J'ai été touchée par la souffrance de ces femmes, causée par la pénibilité et les difficultés de production. Je me suis promise qu'en grandissant, je ferai de mon mieux pour soulager leur peine." Finalement, n'était-ce pas la naissance d'une avocate d'un nouveau genre ?





Lydie tente de s'accomplir à Abidjan en se formant dans la couture pendant plusieurs années. Mais très vite, la promesse qu'elle s'était faite quelques temps auparavant, refit surface. "Je n'oubliais pas ma conviction profonde qui était celle d'aider les femmes productrices de karité de ma région. J'ai donc décidé de retourner à Bouna pour mettre sur pied la Société Coopérative des Productrices de Karité du Bounkani, dont je suis la Présidente."


Aujourd'hui, Lydie Rachel Kambou est aussi 2ème vice-présidente de l'Interprofession Karité (OIK) de Côte d'Ivoire. Toujours dans un esprit fédérateur, Lydie est membre fondatrice de La Boutique Paysanne, une société coopérative des transformatrices de la Côte d'Ivoire. Elle est associée au sein de Hitton Farming Africa (HFA), une entreprise spécialisée dans la production en grande quantité de beurre de karité, beurre de cacao, beurre de mangue, et autres huiles naturelles. Enfin, elle décide en 2019 de créer Kheirras, une marque de cosmétiques naturelles à base de beurre de karité.



Photo : © ONU Femmes/Yulia Panevina
Photo : © ONU Femmes/Yulia Panevina

"J'ai toujours été consciente des opportunités qu'avait à offrir la filière karité. J'ai donc décidé de retourner à Bouna, d'apprendre auprès de mes grands-mères et de me familiariser avec leurs difficultés pour trouver des solutions adaptées. J'ai fait tout mon possible pour fédérer les femmes de ma région et les unir à un but commun. Je m'efforçais de trouver des marchés pour commercialiser le beurre de karité. Les femmes avaient leur bénéfice et moi de même. C'est ainsi que les premiers financements liés à la coopérative ce sont faits, sur fonds propres. Ma passion et l'amour de mon prochain ont forgé mon ambition et nous ont ouvert beaucoup de portes. Des organismes comme le FIRCA et l'ONU Femmes ont entendu mon cri du cœur, et celui de toutes les femmes. Au fur et à mesure nous avons obtenu divers équipements visant à réduire la pénibilité du travail des femmes, à se déplacer et à collecter les amandes dans la vaste zone de Bouna. Nous avons également pu obtenir la certification BIO..."


L'ambition de la transformatrice ne s'arrête pas à la Côte d'Ivoire. D'ailleurs, lorsque nous l'avons rencontré il y a quelques jours, Lydie se remettait à peine de ses nombreuses heures de trajet retour depuis la Chine. C'est dire qu'elle est bien déterminée à promouvoir le beurre de karité, les femmes et leur travail dans le monde entier ! "Je veux faire entendre la voix des femmes. J'expose sur des salons agricoles, j'ai déjà eu l'opportunité d'exposer lors d'événements en France. J'ai aussi fait beaucoup de plateaux TV."



Photo : © Marta Conti/iStock
Photo : © Marta Conti/iStock

Lydie est aujourd'hui une référence de la filière karité en Côte d'Ivoire. Et comme elle le dit, elle s'est formée sur le tas. "Mon expertise me permet de communiquer de manière convaincante face à de grands décideurs." On pourrait croire ici à une success story pimpante, celle d'une jeune femme africaine faisant fortune du jour au lendemain. Mais dans la réalité, ce n'est pas tout à fait ça. "Même si je suis passionnée et j'ai foi en ce que je crois, mon quotidien est loin d'être rose. Ce sont des sacrifices au quotidien, mes plaisirs sont restreints. J'investis tout mes bénéfices dans mes projets. J'ai vite compris qu'énormément de femmes (20.000 femmes, réparties sur 8 régions) comptaient sur moi. Il y a quelques années, la pression était telle que je passais des semaines à pleurer. Je devais à la fois gérer et écouter les difficultés des femmes, mais également faire face à mes charges et ma propre vie de femme."





La Côte d'Ivoire à elle seule, a l'opportunité de transformer 300 000 tonnes d'amandes par année. L'industrialisation se présente donc comme une nécessité face à une main d’œuvre vieillissante. "Il n'y a plus de jeunes filles voulant s'investir dans la production et les femmes sont épuisées. L'industrialisation permet d'être plus productif, plus rentable, favoriser une meilleure autonomisation des femmes. Avec des machines, les femmes préservent leur santé, elles peuvent scolariser leurs enfants et allonger leur espérance de vie. Cela peut créer de l'emploi pour la filière aussi, grâce à des machines pour exploiter la pulpe de karité et en faire de la confiture, du jus, de la liqueur, du sirop... c'est un secteur d'avenir et je suis optimiste. Je pense que d'ici 3 ans, l'industrialisation de la filière aura pris de l'ampleur."



Photo : © Yeon Li
Photo : © Yeon Li

La filière karité a donc de beaux jours devant elle. C'est une matière première de plus en plus prisée, pour en faire des chantilly de karité (beurre de karité fouetté), des savons, crèmes corporelles ou capillaires... "Malgré les difficultés, je n'ai jamais baissé les bras. Grâce à l’avènement des réseaux sociaux, beaucoup de femmes se sont lancées dans la commercialisation du beurre de karité. Certaines m'écrivent aussi pour m'encourager et me faire savoir que je suis une source d'inspiration pour elles. J'ai dernièrement reçu le prix de "Leader inspirante, catégorie monde rural." lors de la 3ème édition des Awards de la femme sur le thème de la résilience et du développement. Ma coopérative a également reçu le prix de la meilleure "start-up", catégorie énergies nouvelles, lors du forum Africain de l’Économie Circulaire. J'essaye de penser sur le long terme et de toujours proposer des solutions pour réduire les déchets liés à la transformation des amandes."





Prochaine étape pour Lydie KAMBOU : persévérer et exploiter d'autres marchés dans d'autres pays africains où le beurre de karité est manquant. "J'avoue ne pas avoir emprunté le chemin le plus simple. Je conseille aux femmes de ne jamais baisser les bras car le monde de l'entrepreneuriat est féroce. Je suis tombée sur tout types de clients, j'ai perdu ma marchandise, j'ai reçu des propositions indécentes... En tant que femme, refuser la facilité m'a value de nombreux sacrifices mais je préfère que l'on m'identifie au monde rural et de toutes manières, je ne suis pas trop dans les chichis. Il faut croire et avoir foi en ses projets. Je demande aux femmes de tenir bon. Il y aura des embûches c'est sûr, mais il faut rester focalisé sur ses objectifs. Je suis persuadée que nous les transformatrices de la Côte d'Ivoire, parviendrons à une industrialisation de nos régions."


 
 
 

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